Un testament à Gien

au temps des guerres de religion




par Martine Simon-Perret
juillet 2005

Voici l'exemple d'un document propre à intéresser par sa richesse le généalogiste et l'historien local.

Je présenterai ici les quelques éléments d'explication dont je dispose actuellement. Ce n'est que récemment que j'ai été amenée à m'intéresser à des familles giennoises et par là à l'histoire de cette ville. N'ayant pas encore eu la possibilité de me rendre aux Archives départementales du Loiret, aux Archives nationales ou dans d'autres fonds peut-être susceptibles de nous éclairer sur le personnage central de ce document, j'invite les généalogistes et historiens du Loiret à me contacter s'ils possèdent d'éventuels compléments ou rectificatifs.

Il s'agit du testament de Pierre Chaseray.

Cet acte, appartenant à un fonds privé, avait été partiellement présenté dans un article du baron de Fumichon, dans un bulletin de la "Société des Antiquaires du Centre", en 1927. L'original, établi devant Etienne et Huguet Amyot notaires à Gien, datait du 26 octobre 1580. J'ignore s'il existe encore. Le texte ci-dessous est une copie manuscrite sur papier du 25 février 1633 signée du greffier du bailliage de Gien. A l'intérieur du double feuillet se trouve un document du 9 août 1639 concernant les modalités d'application du testament.

Le texte est reproduit en troisième partie avec orthographe et ponctuation originales; les termes en italique sont ceux dont la lecture s'est avérée délicate.

I - Qui était Pierre Chaseray ?

Ses titres et ses fonctions:

Il se présente comme baron de Courson, seigneur de Thury en Beauce et des Bourses. Il est notaire secrétaire du roi maison et couronne de France ainsi que général des finances du roi pour la généralité de "Languedoil" établie à Bourges. Il se qualifie de "noble homme", ce qui a l'époque dans les actes notariés désigne plus souvent un niveau de vie qu'une catégorie sociale rigoureusement définie. On peut en déduire qu'un tel homme vit dans l'aisance et a vraisemblablement acquis des fiefs anciennement nobles et des offices importants.

D'après le baron de Fumichon, qui cite l'Annuaire de l'Yonne de 1878, la terre de Courson serait située dans l'Yonne et aurait été achetée par Pierre Chaseray le 3 juin 1572 pour 38000 livres. Il n'évoque pas les seigneuries de Thury en Beauce et des Bourses.

Un article de Liliane Violas, dans l'Eclaireur du Gâtinais du 8 avril 1999, nous apprend que le château des Bourses est situé sur la commune de La Selle-en-Hermoy  (Loiret) et appartenait à Pierre Chaseray dans les années 1560 avant de passer dans la famille de Loynes.

Une recherche plus approfondie sur ses possessions foncières s'avèrera donc indispensable.

Les fonctions de notaire secrétaire du roi et de général des finances montrent que Pierre Chaseray appartenait au monde des officiers, en plein essor au XVIe siècle, les rois successifs trouvant dans la vente d'offices une source de profit tandis que la bourgeoisie marchande les utilise comme moyen d'ascension sociale. D'après le baron de Fumichon, Pierre était déjà général des finances en 1563. Mais avait-il acheté ces offices, quand, à quel prix ? En avait-il plutôt hérité ? Je n'ai encore aucun élément à ce sujet.  

Sa famille:

Le testament nous apprend que Pierre avait épousé Nicole Boilleve, toujours vivante en 1580. Détail intéressant, il est précisé que Nicole était fille et héritière unique de défunte Michelle Billaut et qu'elle reçoit en propre à ce titre une propriété sise au lieu-dit le Trousset, paroisse de St Loup-lès-Orléans, qui avait auparavant appartenu au sieur Bastien Petot. Cette piste géographique n'a pas encore été suivie.

Pierre est vraisemblablement né à Gien, ou du moins sa famille y a de solides attaches. En effet, même si ses fonctions et les troubles de la période l'ont conduit à vivre ailleurs, peut-être Orléans ou Bourges ou dans son château des Bourses, c'est à Gien qu'il habite et possède une maison en 1580 et c'est là qu'il souhaite être inhumé, dans l'église St-Laurent, "près la fosse" où reposent déjà son père, sa mère, ses frères et sœur. Le nom de ces derniers n'est pas cité, le baron de Fumichon ne les connaissait pas non plus, cela reste à découvrir.

Un détail non négligeable repose sur la lecture des mots "frere(s) et seur". S'il semble certain que "seur" est au singulier, la lecture de "frere" est plus sujette à discussion. Le baron de Fumichon a transcrit "frere". Personnellement, en comparant avec les mots "freres minimes" quelques lignes plus bas, j'y vois un pluriel. Mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit là d'une copie établie plus de cinquante ans après l'original. La prudence s'impose donc dans ce genre de déduction.

Pierre Chaseray nomme trois neveux comme exécuteurs testamentaires, Jehan, François et Pierre Chaseray mais ne précise à aucun moment s'ils sont frères ou cousins germains. Comme les neveux restent également à identifier, on voit que ce "s" a son importance.

Pierre évoque également Catherine Chaseray, épouse d' Antoine de Loynes seigneur de Fromentières, et Michelle Chaseray, épouse de Jean Hue, ainsi que Charles Hue fils de ces derniers. Bien que le lien familial ne soit pas précisé, on peut supposer qu'il s'agit des deux filles du testateur et de leurs conjoints. On apprend que le couple Hue a eu jusqu'à la date du testament la jouissance d'une propriété nommée la "Dacgoupe" située près de celle du Trousset ci-dessus évoquée, appartenant à Michelle Billaut puis à Nicole Boillève.

Le baron de Fumichon, citant une Généalogie de la famille de Loynes (1895, Orléans), présente Antoine de Loynes, protestant, président de la Chambre des comptes de Blois et général des finances au comté de Blois, mort en 1594, comme le gendre de Pierre Chaseray.

Dans le document de 1639 annexé au testament apparaît Anne de Loynes, veuve de Centurion du Tertre, écuyer, seigneur d'Escouffan. Elle est dite "sortant de la maison dudict feu sieur général son ayeul" et c'est de sa part que ses cousins Chaseray veillent à l'application de certaines dispositions testamentaires de Pierre.

On peut donc penser que Pierre Chaseray n'avait plus que deux filles en vie à la date de son testament et a préféré confier l'application des clauses de celui-ci à une branche masculine Chaseray représentée par ses neveux.

Le testament donne-t-il des indices pour identifier les trois neveux ? Non, si ce n'est qu'ils sont appelés "honorables hommes et sages" donc majeurs.

Par contre, dans l'annexe de 1639, on découvre le nom de deux exécuteurs testamentaires: Daniel Chaseray conseiller du Roi, lieutenant criminel au bailliage et comté de Gien, et François Chaseray seigneur de Villargis (ou Villeregis). Or par mes recherches, je dispose de quelques informations sur ces deux hommes.

Daniel Chaseray, né vers 1567, est mort le 11 octobre 1643 paroisse St-Laurent de Gien et François, conseiller et élu pour le roi en l'élection de Gien, est vraisemblablement décédé le premier mars 1642, même paroisse, à environ soixante dix-neuf ans. Daniel et François sont frères, fils de François mort avant avril 1597, et de Thibaude Fortet. Il apparaît alors tout à fait plausible que ce François père soit un des trois neveux cités dans le testament de 1580. Pierre Chaseray avait en effet expressément stipulé que l'exécution de ses volontés reviendrait à la descendance mâle aînée de ses neveux.

Je ne dispose d'aucun élément sur le neveu prénommé Pierre.

Quant à Jehan, il en existe un à Gien mort entre 1597 et 1604, marié à Marie Gaddes, qui était procureur du roi. Il se pourrait que ce soit chez lui que le protestant Jean d'Aubigné, père du célèbre Agrippa, en fuite depuis l'échec de la conjuration d'Amboise, se soit réfugié un mois, sans doute durant l'été 1562.

Jehan Chaseray a eu au moins neuf enfants dont deux fils: Jehan, seigneur du Bois, procureur du roi au grenier à sel, mort en 1611, semble-t-il sans alliance ni postérité, et Pierre mort en septembre 1622, également procureur du roi et avocat au grenier à sel de Gien. Cette branche-là est protestante, c'est par des dates provenant du manuscrit n° 1082 de la bibliothèque de la Société d'Histoire du Protestantisme Français, qui est un relevé des actes d'état-civil de l'église réformée de Gien, et par le testament de Jehan seigneur du Bois, que j'ai eu connaissance de cette famille.

Si ce Jehan père est bien le troisième neveu, pourquoi aucun représentant de sa branche ne figure-t-il dans l'annexe de 1639 ?  On vient de le voir, Jehan fils, seigneur du Bois, est mort dès 1611, sans alliance connue. Pierre son frère est mort en 1622. Peut-être était-il marié à Suzanne Debenes avec laquelle il a eu au moins deux fils nés en 1617 et 1619, mais rien ne prouve qu'ils soient encore en vie en 1639. S'ils le sont, les cousins germains de leur père supposé sont encore vivants donc prioritaires sur eux. On peut aussi s'interroger sur le fait que la branche de ce Jehan est protestante alors que Daniel et François présentés ci-dessus sont vraisemblablement catholiques. Cela peut-il être en 1639 un motif de mise à l'écart ?

Toutes ces hypothèses demanderont bien sûr à être sérieusement creusées.

Ses convictions religieuses:

Pierre Chaseray était protestant. Paul Gache dans son "Histoire de l'Hermois" le présente comme un des principaux bailleurs de fonds du parti huguenot de l'amiral Coligny.

Ses convictions sont-elles apparentes dans cet acte ? Comme la grande majorité des testaments pendant plusieurs siècles, celui-ci comprend plusieurs lignes consacrées au salut de l'âme du testateur. On y relève la phrase habituelle sur la certitude de la mort et l'incertitude de l'heure de son arrivée impliquant la nécessité pour le chrétien de tenir ses affaires terrestres en ordre pour parer à toute éventualité.

Pierre doit être déjà âgé en 1580, il est "au lict mallade" (on note la présence de trois médecins et un apothicaire parmi les témoins) et il possède des biens dont il souhaite disposer avec beaucoup de précision, il est donc indispensable pour lui de tester.

Il confie le salut de son âme au "pere filz et sainct esprit" et espère le pardon et la rémission de ses fautes par le Christ. Contrairement à beaucoup de testaments catholiques, il n'est pas question ici de l'intercession de la Vierge ni d'aucun des saints. Néanmoins, il souhaite être inhumé dans l'église de "monsieur sainct Laurent" où repose sa famille.

Bien que l'on soit en pleine guerre de religion, dans une région particulièrement disputée depuis des années par catholiques et protestants, on constate que Pierre Chaseray fait des dons à tous les établissements religieux de sa ville: cent écus d'or soleil, soit environ trois cents livres tournois, à St-Laurent dont l'édifice a besoin de réparations, et dix écus d'or à St-Pierre de Gien-le-Vieil, aux frères Minimes, aux sœurs Ste-Claire et à l'église St-Etienne. Tous ces édifices avaient sûrement besoin de restaurations après les saccages et pillages répétés des années 1560/70, évoqués notamment par les mémoires de l'abbé Vallet. Durant cette période, Gien avait alterné domination protestante et catholique à diverses reprises.

Enfin, comme nous le détaillerons un peu plus loin, Pierre souhaite aider des enfants pauvres de Gien sans distinction de religion tant "catholique que pretendüe reformée".

Ses biens:

Outre des espèces sonnantes et trébuchantes dont nous verrons l'utilisation ci-après, le testament nous apprend que Pierre possédait une maison à Gien dont l'emplacement n'est pas précisé. Il en laisse l'usufruit à son épouse. Il dispose également de trois propriétés dont ni la localisation, ni la taille, ni la valeur ne sont données: le Cloux, la Ratiere et Cernoy. Il existe un Cernoy-en-Berry au sud de Gien mais aucun élément ne me permet actuellement de savoir si c'est le même. Une recherche sur ces propriétés est à faire. Pierre en laisse également l'usufruit à sa femme.

Il est curieux que les terres citées au début du testament, Thury, Courson, les Bourses, ne soient pas évoquées dans les dispositions. Les possède-t-il encore ? Les guerres de religion lui ont-elles causé des pertes ou confiscations ? A-t-il pris antérieurement des mesures les concernant ? On a vu ci-dessus que le château des Bourses était passé à la famille de Loynes. D'après Paul Gache ce serait chose faite dès 1579. Cet auteur nous apprend que la Selle-en-Hermois a souffert de crise économique et de famine dans les années 1570, le fief des Bourses ne rapportant que 80 livres de revenu à Pierre Chaseray en 1575.

Là encore, le testament ouvre des pistes de recherche sans fournir de réponse.

Pierre fait un don de 1166 écus deux tiers aux enfants (dont le nombre n'est pas précisé) d'Anthoine de Loynes et Catherine Chaseray. Il semble que ce soit une sorte de compensation, son autre fille Michelle ayant bénéficié de prêts, d'aide pour payer la pension de son fils Charles à Montargis, et de la jouissance de la propriété de la "Dacgoupe".

Pierre avait au moins deux servantes et deux serviteurs en 1580, auxquels il laisse des sommes de vingt à cinquante livres tournois selon les cas, en plus de leurs gages habituels.

Pour avoir une chance d'en savoir plus sur le montant précis et la composition de la fortune de Pierre, il faudra chercher trace d'un inventaire après décès, d'un acte de succession ou de dissolution de communauté, d'un acte de donation ou de vente du château des Bourses, trouver la date du décès de Nicole Boilleve et éplucher son éventuelle succession. Nous ne savons pas si de tels actes existent encore.

II - Qu'apporte le testament à la ville de Gien ?

Outre les dons aux établissements religieux, Pierre prend une série de mesures concernant les pauvres et il charge sa femme, et après elle ses neveux et héritiers, d'en poursuivre l'application sans limitation de durée. Tant qu'il y aura des héritiers mâles Chaseray, ils en seront responsables. En cas d'extinction de la famille, la charge reviendrait au corps de ville de Gien. L'annexe de 1639 permet de constater qu'à cette date les volontés de Pierre étaient toujours respectées par ses descendants. Nous ignorons si cela a continué après. Il serait intéressant de le savoir. Peut-être les archives de la ville de Gien en conservent-elles trace ?

Pierre donne une somme de deux mille écus d'or soleil à la ville, soit environ six mille livres tournois, charge à cette dernière de la transformer en rente, pour venir en aide à différentes catégories de personnes.

Tout d'abord, trente trois écus un tiers seront affectés chaque année aux pauvres de l'hôtel-Dieu, l'administration de cet établissement étant tenu d'en rendre compte à l'épouse du testateur ou à ses neveux par la suite.

Ensuite, cent écus par an seront utilisés pour financer l'apprentissage de vingt enfants pauvres de Gien, douze garçons et huit filles, tant catholiques que protestants. La formation durera trois ans et s'il reste de l'argent sur la somme prévue, il sera employé à la location d'un atelier pour les garçons et à l'aide au mariage pour les filles. Les garçons, choisis en fonction de leur mérite et de leurs aptitudes, ont un assez large choix dans l'artisanat (menuisier, parcheminier, serrurier, charpentier et autres). Les filles apprendront la couture. Le corps de ville devra présenter la liste des enfants choisis à Nicole Boilleve ou, après elle, aux descendants Chaseray.

L'annexe de 1639 contient la liste des garçons et filles proposés cette année-là à l'entrée en apprentissage. Des croix devant certains noms précisent ceux qui ont été écartés. Le nom des parents de ces enfants est précisé mais pas la paroisse et la religion. Il serait très instructif de comparer cette liste aux registres paroissiaux catholiques et protestants pour tenter de connaître leur âge, leur quartier, leur religion et la profession de leur père.

Un critère déterminant semble être la perte du père. Sur les treize garçons proposés, dix sont orphelins de père, et neuf filles sur dix-sept. La mort du chef de famille se traduisait souvent alors par le basculement des familles modestes dans la misère. Avoir un enfant admis gratuitement en apprentissage devait apporter un réel soulagement matériel aux veuves même si la situation économique est sans doute moins catastrophique à Gien en 1639 qu'en 1580. Il faut néanmoins se souvenir que la population de la ville a été gravement touchée par l'épidémie de peste de 1626.

La liste des candidats a été dressée par au moins trois échevins dont le nom est mentionné au bas, Nicolas Besagny, Pierre Amyot et Pierre Caillart, les deux derniers étant conseillers du roi élus en l'élection de Gien.

En parcourant le manuscrit n° 1082 de la bibliothèque de la Société d'Histoire du Protestantisme Français qui contient un relevé d'une partie des registres protestants de Gien, dont les originaux ont été détruits pendant la Seconde guerre mondiale, j'ai pu constater que les volontés de Pierre Chaseray étaient encore au moins en partie respectées en 1639.

En effet, dans la liste des enfants sélectionnés, j'ai pu en repérer cinq, dont quatre retenus, d'origine protestante:

Est-il possible de savoir ce que sont devenus ces cinq enfants ? Cela s'avère difficile, notamment à cause de l'imprécision des actes de mariage qui sont pour la plupart non filiatifs. Deux pistes seulement ont été relevées:

Il semble que Jean Merlin, devenu tourneur, épouse le 22 juillet 1653 Elisabeth Durand qui meurt des suites d'une fausse couche dans la deuxième moitié de l'année 1656. C'est vraisemblablement ce même Jean Merlin qui se remarie à Françoise Maucotte ou Moquet de Châtillon-sur-Loire, le 5 juillet 1657.

Une Suzanne Gregoire épouse Pierre Butet vigneron le 10 janvier 1649.

Revenons aux volontés du défunt. Une autre partie de la rente devra être utilisée pour doter chaque année cinq filles pauvres à marier de la ville ou des faubourgs de Gien, dont la liste sera également soumise par le corps de ville à la famille Chaseray.

Enfin, indépendamment de la rente ci-dessus, cent pauvres recevront chacun vingt sols lors du décès du testateur.

Dans cette France d'Henri III déchirée depuis des années par les guerres religieuses, dans une région touchée par les exactions de toutes sortes et affaiblie par le marasme économique, de telles libéralités ont du être particulièrement appréciées par le corps de ville de Gien dont les moyens d'aide aux pauvres devaient être bien limités en 1580.

Et il est intéressant de constater que malgré les soubresauts politiques et religieux de la période, dont les conséquences étaient ressenties jusqu'au sein des familles, les volontés philanthropiques d'un notable protestant aient été honorées pendant au moins deux générations.

III- Le texte du testament:

du Mercredy vingt sixiesme Jour d'octobre
lan mil cinq cens quatre vingt, heure
de neuf avant midy, par devant estienne
et hucguet amyot notaires royaulx a
gien
Fut present en sa personne noble homme Pierre
Chaseray Barron de Courson Seigneur de thury, et des
Bourses, notaire secretaire du roy maison et couronne
de france et general de ses finances en la charge
et generallité de languedoy establie a bourges, demeurant
en ceste ville de gien, lequel estant au lict mallade
neantmoings sain d'esprit et dentendement, considerant
la mort estre certeine, et toute fois lheure en estant
incerteinne, ne voullant mourir et decedder, sans disposer
des biens que dieu luy a prestes en ce monde, a faict
son testament et ordonnance de derniere vollunté, en la
forme et maniere qui sensuit. Premierement recommande
son ame a dieu, pere, filz, et sainct esprit, ung seul
dieu en trinité, tout bon, tout sage, et tout puissant
le priant au nom de son filz Jesus Christ nostre seigneur
luy faire pardon et remission de ses faultes et peches, et
luy assister par son sainct esprit, jusques au dernier souspir
de sa vie, a ce qu'il demeure tousiours en sa crainte, foy,
et recognoissance de son sainct nom,
Pour son corps estre inhumé en leglise de monsieur sainct
Laurent de Gien, pres la fosse ou sont inhumes ses pere
et mere, freres, et seur, et donne a la reparation
de ledifice du temple de ladicte esglise sainct laurent
la somme de cent escus dor soleil, et pour une fois paye
Donne aussi a la reparation des edifices des temples saint
pierre de gien le viel, freres minimes, seurs saincte claire
et sainct estienne dudit gien, a chacun d'iceulx, la somme
de dix escus dor soleil, pour une fois paye
Item donne au Corps de ceste ville de gien la somme
de deulx mil escus dor soleil pour estre employes en
achapt de cent soixante six escus et deulx tiers d'escus
de rente de laquelle il veult estre baillé et ausmoné
par chacun an, aux pauvres de lhostel dieu de ceste
ville de gien, la somme de trente trois escus et ung
tiers d'escu, et dont l'administration dudict hostel dieu
rendra compte a dame Nicolle Boilleve femme
dudict testateur, et ses enfans, s'ils sont demeurant
en ceste ville, appelles aux actes, honorables hommes
et sages Mre Jehan, francois, et pierre les Chaserays
ses nepveus, et apres leurs decedz, les enfans
aisnes desdicts, Jehan, françois, et pierre chaserays
presents aussi et appelez, et ainsi consecutivement
les enfants masles aisnes des enfans desdicts chaserays
tant qu'il y en aura du nom, et ausurplus de ladicte
rente de cent soizante six escus deulx tiers, veult
et ordonne ledict testateur en estre employé, la somme
de cent escus dor soleil par chacun an, au payement
de l'apprentissage de vingt jeunes enfans natifs
de ceste ville et faulbourgs de gien, les douze d'iceulz
masles, et les huicts femelles, qui seront mis
a scavoir lesdits masles, es mestrise de charpentier,
serrurier, menuizier, parcheminier et aultres estats
d'artisants selon que l'on congnoistra leurs cappacités
et vigueur, et les filles en cousture, tous
lesquels apprentifs seront presentés au corps de ladicte
ville, par ladicte dame Nicolle Boilleve femme dudict
testateur et ses enfans silz sont demeurant en ceste
dicte ville, et par lesdictz mre Jehan, francois, et pierre
chaserays, et a leur nommination et presentation
recus par le corps de ladicte ville, sans exception
ni dinstinction de relligion, soit catholique, ou pretendüe
reformee, et apres le decedz de ladicte femme, et enfans
dudict testateur, se fera ladicte nommination et p[rese]ntation
par lesdictz Chaserays ses neveuz, et leurs enfans
masles aisnes, et de chacun d'eux, et ceulx qui
descendront d'eux comme dessus, d'aage en aage et
tant qu'il y aura du nom desdits Chaserays, jusques
a ung fils, et apres la mort et deceds de tous lesdictz
chaserays masles, se fera ladicte nommination et ellection
par le corps de ladicte ville de gien, que pour chacun
desquels apprentifs masles et femelles, veult et ordonne
ledict testateur, qu'il soit payé a leurs maistre et maistresse
la somme de cinq escus dor soleil par chacun an, trois
annee durant, et si tant en est besoing, et s'il en fault
moing le surplus accroistra ausdicts apprentifs masles
et femelles, pour ayder a leurs louer boutiques et
marier lesdictes femelles, et commenceront lesdicts
apprentissages ung mois apres le decedz dudict testateur
et se continueront jusques a la fin desdicts trois ans
consecutifs et ainsi de trois ans en trois ans a tousiours
en la forme et maniere dessous dicte, et sans quelle puisse
estre changee ne que les deniers de ladicte rente
de cent escus soit en principal ou arreraiges puissent
estre alteres, et convertie en aultre effet, ne
pareillement celle des trente trois escus ung tiers
pour les pauvres dudict hostel dieu dudict gien, et
le surplus de ladicte rente de cent soixante six escus
deulx tiers, montant trente trois escus ung tiers de rente
veult et ordonne aussi ledict testateur qu'il soit donné
et ausmoné par chacun an, a la presentation et
nommination des dessusdictz sa femme, ses enfans silz
sont demeurants en ceste dicte ville, et desdicts Chaserays
ses nepveux, et desdictz enfans masles aisnes comme
dessus, a cinq pauvres filles natisves de ceste
ville et faulbourgs, pour ayder a les marier, et
ne pourront les deniers de ladicte rente de trente trois
escus ung tiers estre convertie et employee a aultre
effect, comme des aultres rentes susdictes, qui font
en leur totalitté la dicte rente de cent soizante six
escus ung tiers, laquelle il entend estre bien
assignee et payee, et a ceste fin les deniers
de l'achapt ou achapts d'icelle estre bailles a gens
bien solvables r…ants caultionnes et certifies
et les dessusdicts ses femmes, enfans, Chaserays
appelles, et quelle se paye de quartier en quartier
au recepveur des deniers commungs de ladicte ville de
gien, qui en fera recepts, et compte separé des aultres
deniers de ladicte ville, et en rendra compte par
chacun an, les dessusdicts appellez, et sans que lesdicts
deniers puissent estre confus avec les deniers de
ladicte ville, ni employez a aultre effect comme dessus
et en cas de rachapt de ladicte rente ou partye d'icelle
veult a l'instant les deniers desdicts rachapts ou rachapt
estre employe en pareille rente, et pour les effects que dessus
en sorte que tousiours icelle rente aye cours, et que
son voulloir et instruction soient executez et accomplis
declarant ledict testateur ladicte somme de deulz mil escus
quil destine pour lachapt de ladicte rente estre es mains
de ladicte dame Boilleve sa femme, comme icelle Boilleve
presente a recongneu et confessé
Item recongnoist ledict testateur avoir du vivant de deffuncte
dame michelle Billaut sa belle mère, acquis et achepté
des deniers dicelle de Mr Bastien Petot et sa femme
le lieu de trousset assis en la parroisse de saint loup les
orléans, pour estre propre a ladicte Billaut sa belle mere
combien toutefois quil l'ayt acquis en son nom, et a
ceste cause veult et entend que ledict lieu sorte nature
de propre a ladicte dame Boilleve sa femme fille et heritiere
unique de ladicte Billault selon la promesse quil avoit
de ce faict a la dicte Billault, Veult aussi et entend
ledict testateur que ladicte Boilleve sa femme jouisse
seullement sa vie durant de la maison et appartenance
dicelle dudict testateur assize en ceste ville de gien
et en laquelle il demeure de present, et en tant que
besoing seroit luy en donne lusufruit et jouissance
sadicte vie durant, a la charge de l'entretenir par elle
de menues reparations et payee et acquittes les ……
quelle doibt, et ne veult et entend icelluy testateur que
ses enfans et heritiers partissent, et prennent aulcune
chose avec ladicte Boilleve en ses habillements, bagues
et joyaulx, ainse qu'ils luy demeurent par preciput
et en tant que besoing seroit luy en faict don, en contentement
des bons offices quelle luy a faicts et pour l'amitié
quil luy porte, et pour les mesmes causes luy faict
aussi don, de l'usufruit et jouissance sadicte vie durant
des lieux du Cloux, de la ratiere, et Cernoy.
Item donne aux enfans de noble homme Mre anthoinne de loynes
seigneur de fromentier, et damoiselle Catherine Chaseray
sa femme, la somme de mil cent soizante six escus
deulx tiers, en considération et pour recompense des deniers
que luy peult debvoir noble homme Mre Jehan hue
et damoiselle michelle chaseray sa femme, tant des deniers
leveez quil ont faictes du r….. dudict testateur
et de sadicte femme en la ville de gien et aux environs
et ailleurs, que deniers quil leur a prestres, et pensions
par luy payee pour charles hue leur filz, tant a
montargis que bourges, et a quelque aultre cause
que ce soit desdicts deniers ledict testateur veult et
entend ledict hue et sa femme demeurent quitte
sans que l'on leurs en puisse rien demander, entend
toutefois qu'ils rendent et restituent a ladicte
Boilleve sa femme la propriété du lieu de la dacgoupe
assie pres ledict lieu de trousset, qui appartient a sadicte
femme, et duquel neantmoing lesdicts hue et sa femme
ont joüy tant du vivant de ladicte deffunte michelle
Billault que depuis jusques a present, et sans toutefois
quils soient tenus a aulcune restitution des fruicts
pour ladicte jouissance, mais en tout ce que dessus
n'entent ledict testateur comprendre le revenu du lieu
du trousset par luy baille et adcensé au commisaire
blancquet, ains que ladicte adcense et prix d'icelluy
soit payé par ledict blancquet a ladicte boilleve sa femme
et a ses heritiers
Donne ledict testateur la somme de trente trois escus
ung tiers descu dor soleil pour une fois paye
a cent pauvres par esgalle portion qui est pour chacun
d'eux la somme de vingt soltz
Donne a thibaulde parent fille de abel parent sa servante
 la somme de seize escus deulz tiers pour une fois paye
oultre ses services
Donne semblable somme de seize escus deulx tiers a Noemy
[blanc] aussi sa servante pour une fois paye
oultre ses services
Donne a Jehan guiltat son serviteur pareille somme
de seize escus deulx tiers descu pour une fois payee oultre
ses services
Donne a toussaint [blanc] son serviteur six escus deulx tiers
pour une fois paye oultre ses services
qui est tout ce que ledict testateur veult et entend tester
et pour executer, il a esleu et nomme ladicte
Boilleve sa femme, et lesdictz Me Jehan, francois et
pierre chaserays ses nepveus, ausquels et chacun d'eux
seul et pour le tout il a donné pouvoir et puisssance
de ce faire, et pour cest effect les a saisis de tous
et chacuns ses biens meubles et immeubles
jusques a la concurrance de l'accomplissement de sondict
testament, en tesmoings de quoy, nous garde
du scel, faict et passé audict gien en lhostel
dudict testateur les jour et an susdictz, pardevant
les notaires royaulx a gien soubzsignez, en presence
de scientifiques personnes mre francois rousset
Raymond de Malsat, anthoine petit docteurs
en medecine et me Martial le Mercier apotiquaire
demeurant ledict Rousset a Montargis ledict de Malsat
a orleans et ledict petit et le Mercier tesmoings en
ceste ville de Gien, la minutte signée, Chaseray, Rousset
de Malsat, petit, le mercier, amyot et amyot

[La copie est signée Bizot greffier du bailliage de Gien en date du vingt cinq février 1633]


Sur un autre feuillet joint à celui ci-dessus:


Pour l'année
1639

Nous daniel Chaseray coner du roy nostre sire et lieutenant general au bailliage et comté de gien, françois chaseray sieur de Villargis soubz signez executeurs du testament
et derniere vollunte de deffunct noble homme
Pierre de chaseray vivant barron de Courson
Coner du roy nre sire, tresorier general de ses
finances, en la charge et generallite de languedouy
estably a bourges, a vous messieurs les eschevins
et gouverneurs de ceste ville de gien salut
De la part de damoiselle anne de loyne vefve
de feu Centurion du tertre vivant escuyer
sieur d'escuffan gentilhomme ordinaire de la chambre
du Roy, lieutenant d'une Compagnie de ses gardes
comme fille et sortant de la maison dudict feu sieur
general son ayeul, [suivent des lignes raturées]et selon le pouvoir par luy
donné par son testament, Nous Daniel Chaseray coner
du Roy et lieutenant general au bailliage et
comté de gien, françois chaseray sieur de Villeregis
comme aisnes des Chaserays et par pouvoir a nous
donné par ledict testateur en execution de sa dernière
vollunté
Nous presentons et nommons selon lintention dudict
testateur douze enfans masles et huict femelles
pour estre mis en mestrise et apprentisage selon
leurs capacités, afin d'en estre par vous passez
les marchez, avec leurs maistre et maistresse
ou ils seront mis en apprentisage dans quinze jours dhuy C'est a scavoir
        Fils
Jehan Merlin filz de feu francois Merlin et de
Susanne le Moyne ses pere et mere
Francois Bardin filz de feu Michel bardin et de
magdelenne Morin ses pere et mere
Gabriel Mercier filz de feu claude Mercier et de
perette chevallier ses pere et mere
Jehan Guilbault filz de feu pierre Guilbault et de
francoise Morisset ses pere et mere
Jehan Chevallier filz de feu Jehan Chevallier et de
guilmette darnault ses pere et mere
Anthoine Nyaix filz de feu Martin Nyaix et de
estiennette Caioux ses pere et mere
Jacques Gaultier filz de feu Jacques gaultier et de
Jacquette moisset ses pere et mere
Michel Regnard filz de feu Jacques Regnard et de
Jehanne droin ses pere et mere
Jacques robillard filz de feu pierre Robillard et de
Jehanne de berne ses pere et mere
Estienne Perpignolle filz de feu Jacques Perpignolle
et Marie Boizard ses pere et mere
+ Jacques Carcassier filz de Jacques Carcassier
et de perette Janin ses pere et mere
Estienne du verger filz de herculle du verger et de
Suzanne geret
Pierre Sottim filz de jehan sottim et de Magdeleine
hottim ses pere
et mere
        Filles
Marie Regnier fille de Jehan Regnier de feu Marie
gaultier ses pere et mere
Anne Magnan fille de guillaume Magnan et d'Isabelle
basillon ses pere et mere
+ Marie Museau fille de feu claude Museau et de Marie
Rozier ses pere et mere
+ francoise parfait fille de René parfait et de Marie
Geslin ses pere et mere
+ louise landre fille de feu Jacques Landre et de Marie
darnault ses pere et mere
Susanne gregoire fille de feu estienne gregoire
dict la sablonniere et de Marie Vaillant
+ anne julliart fille de blaise Julliart et de [blanc]
Marie Geslin fille de blaise geslin et de Marie
pallefroy ses pere et mere
+ anne poupa fille de feu Charles poupa et de estiennette
pommet ses pere et mere
+ francoise roy fille de Jehan Roy et de Vrine gervais
ses pere et mere
+ Marie brangier fille de feu jehan Brangier et de
gabriel robillard ses pere et mere
+ Marie pommet fille de feu estienne pommet et de
[blanc] gaillard dict Chaussepied
Marie Blondet fille de feu [blanc] Blondet et de
anne Rousseau ses pere et mere
Marie dupont fille de feu Jacques dupont et
de Marie Morin
Marie pierrat fille de Louys pierrat et Jehanne
mareschal ses pere et mere
+ estiennette la martine fille de Jehan la Martine et
de anne saulnier ses pere et mere
[en marge de gauche]: Marie Masse fille de feu pierre Masse et Magdeleine Bonniface ses pere et mere
tous enfans natifz de ceste ville
par nous executeur susdictz soubzsignes
faict et arresté ce  jourdhuy vingt neufiesme jour daoust mil six cens
trente neuf, par Nous executeurs du testament dudict deffunt sieur
general de chaseray soubzsignes pour estre mis es mains desdictz sieurs
eschevins de ceste ville de gien afin de faire les marches desdicts
apprentisages dans quinze jours dhuy
                        Chaseray
Aujourdhuy
Jay sergent royal soubzsigne dellivre coppie du memoire cy dessus a
honnorable homme Nicollas besagny lung des eschevins de ceste ville de gien
cy parlant [blanc] tant pour luy que pour nobles hommes
Mre Pierre amyot et pierre Caillart coner du Roy nre sire et esleuz en l'ellection de
gien ses coeschevins afin quilz pourvoyent au contenu d'icelluy faict es p[rése]nces.